Pr Didier Raoult, Directeur de l’IHU Méditerranée Infection » Nous avons le droit d’être intelligents » – Coronavirus : données, EHPAD, polémiques
Bulletin d’information scientifique de l’IHU
8 avril 2020
Professeur Didier Raoult, comment voyez-vous les dernières évolutions de l’épidémie de coronavirus en France ?
D’une façon générale, je ne peux pas très bien juger ce qu’il se passe en France, parce que des données manquent. Ici, nous avons détecté et traité beaucoup de patients. Vous pouvez constater que nous sommes sur une courbe vraiment décroissante ; nous détectons en moyenne 350 personnes par jour et nous sommes actuellement aux alentours d’une centaine. Les choses s’améliorent beaucoup, nous le constatons au nombre de patients, nos lits ne sont plus occupés en totalité. La proclamation nous avons notre « Nostradamus », prédisait que nous n’aurions pas assez de lits en réanimation, mais c’est le contraire et comme à son habitude, les Nostradamus ont tort et sur ce point la situation s’améliore. Je sais qu’il y a beaucoup de personnes qui attendent nos publications et nous procédons à la lecture de l’analyse de 1000 cas que nous avons traités. Les choses sont très rassurantes avec ce traitement pour lequel nous n’avons eu aucun ennui cardiologique avec aucun des patients que nous avons traités et nous avons des résultats qui montrent une efficacité plus grande que les autres à ce jour,, tout va bien. Il faut montrer un peu de patience jusqu’aux résultats de ce travail d’évaluation qui génère une très grande quantité de données, peut-être même des données que nous sommes les seuls au monde à détenir. Tout cela doit être mis en forme, poursuivre sa vie et devenir un, ou le papier de référence concernant cette pathologie. C’est en cours et tout se passe bien.
Que pensez-vous de la situation dans les EHPAD, nous avons vu hier que beaucoup d’EHPAD étaient touchés par l’épidémie ?
Je suis inquiet parce que je ne suis pas très convaincu par la stratégie du « confinement à l’aveugle », c’est-à-dire de mettre ensemble comme sur le bateau le Diamond Trip, des personnes testées négatives et des personnes testées positives, à la fin, souvent presque tout le monde est positif. Nous nous posons la question de savoir s’il ne va pas se passer la même chose dans les EHPAD où la population cible est la plus sensible. Dans cette étude les personnes qui décèdent sont des personnes qui ont en moyenne 85 ans. Il est faux de dire que c’est une maladie qui tue plus les jeunes que la grippe par exemple, quoiqu’il en soit, ici nous ne voyons pas du tout cela. La véritable cible mortelle de cette maladie, ce sont les personnes dans les EHPAD et si nous laissons circuler des personnes infectées au milieu des EHPAD, bien sûr il y aura énormément de morts. La stratégie du confinement sans éviction des porteurs positifs, c’est une chose qui risque d’avoir des conséquences en termes de nombre extrêmement important. Je pense toujours de la même façon, je ne change pas de cap, je suis un médecin infectiologue devant une maladie infectieuse, cela fait 42 ans que je fais ce métier et je vois toujours des malades une fois par semaine, c’est d’ailleurs mon jour aujourd’hui, ceci afin de rester en contact avec la réalité, pour ne pas devenir un médecin de bureau.
Il faut DIAGNOSTIQUER en se donnant les moyens de faire le diagnostic, il faut ISOLER les personnes contagieuses et il faut les TRAITER. C’est cela que je fais parce que c’est la base de notre métier. Je pense qu’il est encore temps, les choses évoluent petit à petit, c’est ce qui se passe en Italie et en Espagne où ils ont commencé à tester de manière massive et à traiter, on voit alors les courbes s’infléchir très rapidement. C’est ce qu’il faut faire, c’est ce vers quoi nous tendons, en tous les cas je l’espère de tout mon cœur.
Que pensez-vous de la polémique actuelle sur le traitement sur quels aspects se cristallise-t-elle ?
En ce qui me concerne c’est très simple, il y a une maladie qui est là, nous ne la connaissons pas, les chinois eux la connaissent. Nous connaissons la sensibilité du virus à un certain nombre de produits quand on les teste. Dans ces produits il y a des molécules nouvelles que nous ne connaissons pas, ainsi il en va de la toxicité réelle ; et il y a des molécules anciennes que nous connaissons très bien qui ont été prescrites des milliards de fois. En pratique, les chinois, les coréens, qui ont eu la première vague, ont traité en utilisant cette molécule que tout le monde connait très bien et ils disent, c’est efficace. Pour preuve ils contrôlent la maladie. Depuis que j’ai dit « fin de partie », c’est en effet la fin de partie en Chine et c’est terminé. Ils ont fait cesser la progression de la maladie avec des mesures de détection, un peu de contention dans les zones à risques, mais pas dans l’ensemble de la Chine, puis des traitements.
Je ne pouvais pas imaginer que cela déclenche des passions de cette nature, je ne sais même pas d’où elles viennent mais, en tous les cas ce qui me rassure maintenant et me fait beaucoup de bien, c’est que je me rends compte que c’est en réalité juste une opposition entre des médecins et des gens qui ont terminé d’être des médecins ou qui n’en sont pas.
Un « Conseil scientifique » pour lequel je ne sais pas si ce sont de très « grands scientifiques » ni des praticiens au quotidien. Je vous l’assure, je suis un grand scientifique et un docteur et je suis frappé de voir, car effectivement il y a un sondage qui, lorsque l’on demande aux médecins du monde entier déjà 37 % des médecins de la planète donnent de l’hydroxychloroquine ; en France le nombre de personnes qui le donne sans le dire est considérable et j’ai été frappé de voir que dans mon propre CHU les personnes qui travaillent à côté de nous, qui reçoivent des patients atteints par le coronavirus, les traitent aussi avec de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine. Je ne suis qu’un représentant de tout cela.
Il s’est creusé une sorte de fossé entre la pratique médicale et des personnes qui confondent la pratique médicale et la recherche. Hors à chaque fois que vous rencontrez un malade, c’est un malade que vous rencontrez, ce n’est pas « un objet de recherche ». Nous ne pouvons pas transformer les malades en objet de recherche.
Tout a commencé très tôt lorsque nous avons on a reçu les patients qui arrivaient de Chine. Parce que je pense toujours de la même façon j’ai immédiatement proposé de détecter si l’un d’entre eux est positif et je voulais le faire dans l’avion même : utiliser un écouvillon et, trois heures plus tard, j’aurai pu dire « Voilà les positifs, vous les séparez des négatifs, vous ne les mettez pas tous ensemble ». On m’a dit « Pas du tout ! Faire un écouvillon pour savoir si quelqu’un est contagieux, c’est de la Recherche ! Il faut demander un Comité de protection des personnes » !
Ensuite, « ils » se sont débrouillés pour que ce soit très rapide avec ce Comité mais, nous avons perdu 24 heures et, de façon bizarre, les personnes qui étaient dans l’avion et auxquelles on disait « il faut que vous signiez un papier car, rechercher si vous êtes contagieux, c’est de la Recherche », ne comprenaient même pas ce qu’on leur disait !
Il y a des sortes de gens qui sont devenus fous avec la méthode voyez-vous. Pour lesquels tout est de la Recherche et qui sont déconnectés de la réalité ; hors voir si les gens sont porteurs ou pas, ce n’est pas de la Recherche, c’est de la pratique des épidémies. Quand les gens sont malades, nous devons les traiter avec les traitements que nous avons et pour lesquels nous savons qu’ils ne sont pas toxiques.
L’hydroxychloroquine c’est « un truc » que l’on distribuait sans même une ordonnance il y a deux mois et maintenant nous ne savons même pas comment nous allons faire pour traiter en ville des gens qui ont un lupus ou une polyarthrite rhumatoïde, qui prennent ce traitement depuis 20 ans ; car si on leur prescrit du Plaquenil, ils ne pourront pas en recevoir parce qu’on ne peut pas inscrire le diagnostic sur l’ordonnance, c’est quelque chose qui est complètement impossible dans le cadre du secret médical ; vous ne pouvez pas expliquer pourquoi vous prescrivez un médicament sur une ordonnance, c’est interdit par loi . Vous comprenez, nous sommes là dans un véritable conflit de la pratique : Fait-on de la pratique médicale ou de la recherche ? Ce n’est pas de la recherche qu’on fait, c’est d’abord de la pratique médicale. Tant mieux si nous réussissons à augmenter notre connaissance à partir de cette pratique face à cette nouvelle épidémie, mais l’objectif que nous avons, nous les docteurs, ce n’est pas de faire de la Recherche, mais de soigner les gens. Naturellement je suis bien placé pour le faire puisque dans ma vie je fais beaucoup de Recherche, mais notre premier soin c’est soigner. Je souhaite, car je regrette qu’il n’y ai pas d’intervention très solennelle de mes collègues anciens et respectables comme le Professeur Marininchi qui a dirigé l’A.N.S.M. comme l’ancien président de la Haute Autorité de Santé, car je souhaiterais que le Conseil de l’ordre, dont c’est la responsabilité, se prononce sur cette question de la limitation de la capacité des médecins à juger par eux-mêmes de la thérapeutique qu’il sont capables de prescrire pour des molécules aussi anciennes, connues et si faciles à utiliser. L’interdiction de prescription est une atteinte très profonde à la base de notre métier qui est de prescrire en fonction de notre niveau de connaissance, le meilleur traitement possible aux malades que nous avons en face de nous, c’est la base même de la pratique médicale.
Des gens sont devenus fous, comme si tout d’un coup on était en face du médicament le plus dangereux du monde ! Il doit y avoir au moins deux milliards de gens qui ont fait cela ! Vous n’imaginez pas que l’on a effectué un électrocardiogramme à tous ceux qui partaient en Afrique et auxquels on a prescrit de la chloroquine, qu’on les prévenait qu’ils allaient avoir une torsade de pointes !? C’est complètement fou ! On est devenu fou avec des gens qui ne font pas de médecine et qui parlent de médecine. La médecine consiste à pratiquer des soins au quotidien aux malades et on leur donne un traitement. On ne leur dit pas « rentrez chez vous et si vous n’arrivez plus à respirer venez à l’hôpital !». Ce n’est pas cela La Médecine. Alors voilà, je suis content car j’avais un sentiment étrange et je suis content de voir que les autres médecins font comme moi parce qu’ils sont raisonnables. Point.
Pour aller plus loin :
CLIQUER ICI : Toutes les interviews de la chaine YouTube IHU Méditerranée-Infection
CLIQUER ICI : Un vol « passé sous les radars » ? Le Dauphiné 23-01-2020
CLIQUER ICI : Agence nationale de sécurité du médicament
CLIQUER ICI : Pétition « Traitement Covid-19 : #NePerdonsPlusDeTempsment-covid19-ne-perdons-plus-de-temps-neperdonsplusdetemps
Retranscription : MHD