Il y a 25 ans, une balade en forêt…
Viviane Dubouays, 50 ans, habite Vern-d’Anjou (Maine-et-Loire). Depuis deux ans, ce professeur de collège souffre de la maladie de Lyme. Elle se confie.
Des tiques infectées ont fait de sa vie un enfer. Viviane Dubouays, qui vit à Vern-d’Anjou (Maine-et-Loire) et souffre de la maladie de Lyme, raconte son quotidien gâché par la douleur, sans traitement antibiotique.
Il y a 25 ans, une balade en forêt…
« Je m’en souviens parfaitement. Une randonnée en forêt dans un bois du Berry, le week-end de l’Ascension, en 1993… J’étais enceinte de ma fille aînée. J’ai d’abord pensé à une croûte due à une piqûre de ronce. Une sorte de cercle rouge s’était formé autour : l’érythème migrant. Trois jours plus tard, ma croûte avait grossi et bougeait… C’était une tique.
La deuxième fois, il y a six ou sept ans, elle m’a piqué dans le dos. Là encore, je ne l’ai pas vue tout de suite. Ça me grattait. Je n’ai pas consulté pour ça. Maintenant, je sais que si c’est une tique infectée, il ne faut pas la garder plus de 24 heures. »
Premiers symptômes
« Il y a un peu plus de deux ans, j’ai commencé à connaître des périodes de très grosse fatigue. Des sortes de malaises, des gros coups de pompe. Soudain, je n’avais plus de jus, j’étais tétanisée, sans aucune force. Ça m’arrivait de temps en temps, pas tous les jours. Je faisais une sieste. Deux ou trois heures après, ça repartait.
Au printemps dernier, j’ai eu des pertes d’équilibre en conduisant. Je voyais flou. J’avais des trous de mémoire de plus en plus fréquemment. Bientôt, j’ai ressenti des douleurs épouvantables, à la tête, dans le dos et la poitrine. Des douleurs articulaires aussi. Elles changeaient de place, de forme et d’intensité. Au plus fort des crises, je dormais par petits bouts de 20 minutes.
Je suis enseignante au collège. Je ne pouvais plus assurer mes cours. Fini aussi le vélo, les sorties entre amis, le jardin… Je n’arrivais plus à me traîner du canapé jusqu’à la chaise. Je n’avais même plus la force de parler. Je ne fonctionnais plus. »
Les conseils pour se protéger de la maladie de Lyme
Une batterie d’examens
« Je suis allée aux urgences, cinq ou six fois, par peur de la crise cardiaque. J’ai consulté plusieurs spécialistes. J’ai vu le cardiologue, le neurologue, l’endocrinologue, l’infectiologue… J’ai passé scanner et IRM, subi des dizaines d’analyses. Ils ont tout vérifié : sida, hépatites, maladie des griffes du chat… Tout était normal. C’était incompréhensible. Car je savais que mes douleurs n’étaient pas dans ma tête. J’aime la vie, je suis une battante et plutôt dure au mal, disent mes amies. Il y avait forcément quelque chose. »
La maladie de Lyme
« C’est mon médecin traitant qui a pensé à la maladie de Lyme. Il s’est aperçu que la seule chose qui me faisait du bien était les antibiotiques. J’ai passé le test Élisa, à partir d’un prélèvement sanguin. J’en ai fait quatre en tout, dans des laboratoires différents. Tous négatifs. Pas étonnant, les tests ne sont pas fiables.
Mais l’infectiologue du CHU, lui, n’a rien voulu savoir. Pour lui, je n’avais rien et surtout pas la bactérie Borrelia, responsable de la maladie. Il a refusé de poursuivre le traitement antibiotique. Le retour de la douleur a été terrible. J’ai même perdu la vue d’un oeil pendant 24 heures. »
La piste allemande
« En faisant des recherches, je suis entrée en contact avec deux Allemands qui sont suivis depuis des années pour la maladie de Lyme. Ils m’ont donné l’adresse d’un laboratoire, à Berlin. Je l’ai appelé. J’ai reçu un kit de prélèvement. On en a eu pour un peu plus de 700 € de notre poche. Mais, d’après le test, je suis bien porteuse de deux souches de la bactérie Borellia.
Avec le courrier, je suis retournée voir l’infectiologue, pleine d’espoir. Entre-temps, il avait été remplacé par une femme. Elle n’a même pas voulu regarder les résultats au motif que « ce n’est pas le protocole ». Elle a ajouté : « Vous n’êtes pas la première à ne pas savoir pourquoi vous avez des douleurs. » J’étais anéantie. Sans solution. »
La débrouille comme traitement
« Depuis, je me débrouille seule. Il y a des jours avec et des jours sans. Je surveille mon alimentation. Je prends des nutriments et des vitamines. La phytothérapie fonctionne bien.
En Allemagne, ils préconisent un protocole d’un an d’antibiotiques pour « endormir » la bactérie. Le système immunitaire reprend le contrôle, et en observant des règles de vie saine, certains patients retrouvent une activité normale. Mais en France, je ne trouve pas de médecin qui accepte de me prescrire ce protocole.
Alors, je fais comme je peux. Pour assurer mes cours, j’ai des petites stratégies. J’essaie de dormir un peu avant, chez moi ou à l’infirmerie. Mais je sais que je ne vais pas pouvoir tenir comme ça dans la durée.
J’ai la chance d’être dans une famille aimante, équilibrée. Car cette maladie rejaillit forcément sur l’entourage. Des malades perdent leur travail, leur conjoint… »
Un sentiment de colère
« La maladie de Lyme est très difficile à diagnostiquer. On peut la confondre avec la sclérose en plaque, la fibryomalgie, la fatigue chronique… Mais ce qui me choque, c’est le désir de certains médecins de vouloir écarter ce problème à tout prix. Cette culture du déni me mine.
J’ai vu qu’à Lyme sans frontières, des centaines de patients (on estime à près de 30 000 le nombre de nouveaux cas par an en France, NDLR) avaient déposé plainte contre les laboratoires qui pratiquent les tests Élisa. Je n’exclus pas de les imiter. »