La bartonnellose ou maladie des griffes du chat, co-infection de la borreliose.
Maladie des griffes du chat : une bartonellose que l’on peut retrouver dans le Lyme chronique.
Publié le 1.10.2015 par https://www.pourquoidocteur.fr/
Par le Dr Jean-Paul Marre, rhumatologue, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
Les bartonnelloses, dont l’expression la plus fréquente est la « maladie des griffes du chat », sont des infections bactériennes « émergentes ». Leur fréquence semble avoir été sous-estimée : des co-infections existent avec les Borrelia, responsables de la maladie de Lyme.
Des mots pour les maux
Les bartonelloses « recouvrent » toutes les infections de l’homme liées à une bactérie de type Bartonella
Les Bartonella sont des bactéries Gram négatif qui pénètrent à l’intérieur des cellules (« intracellulaires ») ce qui impose des contraintes pour leur traitement antibiotique.
Qu’est-ce qu’une bartonellose ?
Il existe plusieurs formes cliniques de bartonelloses qui sont en rapport avec différents types de Bartonella, un type de bactéries à « Gram-négatif ». Toutes les bartonelles ont la possibilité de pénétrer à l’intérieur des cellules de la paroi interne des vaisseaux sanguins (« cellules endothéliales ») : tous les 5 jours, une partie des bactéries est libérée dans le sang où elles infectent les globules rouges (« hématies ») et rentrent dedans.
Chiens et chats, mais aussi rongeurs, en sont souvent porteurs et leurs puces sont les vecteurs principalement responsables de la transmission. La tique est fréquemment porteuse de Bartonella, en Europe, comme en Amérique du Nord.
Bien que cette possibilité ait été initialement contestée, certaines tiques semblent pouvoir véhiculer la maladie d’animal à animal ou de l’animal à l’homme. Le risque de bartonelloses semble avoir été sous-estimé et diverses études ont souligné la possibilité d’une co-infection de certaines tiques par Bartonella henselae et les borrélioses responsables des maladies à tiques : cette co-infection est susceptible de toucher le système nerveux à double titre.
Il semble que ces bactéries puissent persister dans l’organisme et se manifester lors d’épisodes d’immunodépression profonde.
Par ailleurs, les co-infections perturbent souvent le diagnostic des deux maladies en en modifiant les symptômes respectifs.
On connaît 19 espèces de Bartonella, une dizaine étant pathogènes pour l’homme
• Bartonella henselae est responsable de la « maladie des griffes du chat » (« lymphoréticulose bénigne d’inoculation »). Cette maladie touche essentiellement les enfants. L’infection survient dans 10 % des cas après une morsure, dans 75 % après une griffure, mais peut également survenir sans griffure, par la salive de l’animal, ou encore en se frottant les yeux après avoir caressé son chat. Il semblerait également que les puces puissent directement inoculer la bactérie lors de piqûres chez l’homme.
Les puces du chat jouent un rôle prépondérant dans la transmission entre chats et dans la contamination du pelage du chat. Les chats infectés par la bactérie n’ont aucun signe (« asymptomatiques »). En se grattant, le chat contamine ses griffes et inocule la bactérie sous la peau des enfants quand il les griffe.
• Bartonella quintana est responsable de la fièvre des tranchées (« trench fever ») ou « fièvre quintane ». La maladie liée à cette bactérie est donc connue depuis la première guerre mondiale. Des épisodes de cette fièvre ont été rapportés lors de regroupement de populations de réfugiés et, récemment, chez les SDF.
• Bartonella bacilliformis est responsable de la maladie de Carrion qui sévit essentiellement au Pérou dans la Cordillère des Andes, entre 1000 et 2500 mètres d’altitude. Le vecteur est un insecte piqueur (Lutzomyia verrucarum).
Ce qui distingue Bartonella bacilliformis des autres bartonelles, c’est son pouvoir de destruction des globules rouges (« hémolyse »).
• Des douleurs persistantes diffuses et polymorphes après morsure de tique peuvent s’avérer liées à la présence d’autres bactéries, elles-aussi transmises par des tiques : des cas probables de co-infections entre B.burgdorferi et Bartonella ont été régulièrement rapportés. Ces co-infections sont dues, soit à la morsure d’une même tique lorsque celle-ci est infectée par plusieurs bactéries, soit à des morsures multiples de plusieurs tiques lorsque chacune est infectée par des bactéries différentes.
Des études récentes ont permis de confirmer le rôle pathogène des Bartonella chez des patients mordus par des tiques, dont de nouvelles espèces de Bartonella, pour la plupart parasites des rongeurs.
Quelles sont les causes ?
Bartonella bacilliformis était jusqu’à peu de temps la seule espèce connue du genre Bartonella.
De nombreuses bactéries, soit antérieurement affiliées à d’autres genres telles les Rochalimaea et les Grahamella, soit récemment identifiées, ont été regroupées au sein du genre Bartonella depuis les années 90 et ce genre comprend désormais plus de 15 espèces.
Ces bactéries ont été isolées chez des mammifères variés (chats, chiens et rongeurs) qui constituent le « réservoir » de la bactérie). Le réservoir est cependant différent pour chaque type de bartonelles : pour Bartonella henselae, c’est le chat et, notamment, les chatons âgés de moins de un an. D’autres réservoirs ont été individualisés selon le type de lartonelle : chien, lapin, rongeur, chevreuil, bovin… L’homme est plutôt un hôte accidentel.
La transmission entre individus est assurée par des vecteurs divers (puces, tiques…).
Quand faut-il évoquer une bartonellose ?
Le diagnostic clinique peut être évocateur face à des gros ganglions (« adénopathies ») survenus après griffure, ou une « angiomatose » de la peau, en particulier chez un malade souffrant du SIDA ou encore des douleurs articulaires traînantes.
Quelles maladies sont provoquées par les infections à Bartonella ?
Toutes les maladies liées à une infection par Bartonella ne sont pas encore connues : c’est ce que l’on appelle une maladie « émergente » :
• La « maladie des griffes du chat » (ou « lymphoréticulose bénigne d’inoculation ») est provoquée par une infection à Bartonella henselae.
Cette maladie touche essentiellement les enfants. L’infection survient dans 10 % des cas après une morsure, dans 75 % après une griffure, mais peut également survenir sans griffure, par la salive de l’animal, ou encore en se frottant les yeux après avoir caressé son chat. Il semblerait également que les puces puissent directement inoculer la bactérie lors de piqûres chez l’homme.
Un ou plusieurs gros ganglions (« adénopathies ») se développent dans le territoire de drainage de la griffure de chat (qui peut avoir été oubliée), mais où a pu apparaître une « papule ».
La présentation classique associe un gros ganglion, une fièvre (38-41°C), une fatigue, des douleurs de type maux de tête (« céphalées »), une grosse rate (« splénomégalie ») et des signes cutanés à type de rougeurs (« rash maculo-papuleux ») transitoires.
D’autres manifestations plus rares ont été rapportées : atteinte neurologique avec encéphalite ou atteinte des nerfs périphériques, atteinte de l’œil (syndrome oculoglandulaire de Parinaud), atteinte du poumon, atteinte cardiovasculaire, gros foie, purpura thrombopénique, érythème noueux.
Le « syndrome oculoglandulaire de Parinaud » est une forme particulière caractérisée par une infection de l’œil (« conjonctivite purulente ») accompagnée de la survenue d’un gros ganglion derrière la mâchoire. Dans ce cas, on ne retrouve pas de notion de griffure, l’inoculation s’étant produite directement au niveau de la conjonctive de l’œil.
Cette infection peut se compliquer chez les patients immunodéprimés (VIH, transplantation) d’une atteinte de la peau (« angiomatose bacillaire ») ou de différents organes (« péliose » hépatique, splénique ou autre), d’une infection généralisée (« septicémie »), voire d’une infection des valves du cœur (« endocardite »).
Les puces du chat jouent un rôle prépondérant dans la transmission entre chats et dans la contamination du pelage du chat. Les chats infectés par la bactérie n’ont aucun signe (ils sont « asymptomatiques »). En se grattant, le chat contamine ses griffes et inocule la bactérie sous la peau des enfants.
• La fièvre des tranchées (« trench fever ») ou « fièvre quintane » est provoquée par Bartonella quintana.
La maladie liée à cette bactérie est connue depuis la première guerre mondiale. La fièvre dure 5 jours, avec des épisodes récurrents. L’homme est le seul réservoir connu et la transmission est assurée par les poux du corps.
Des épisodes de cette fièvre ont été rapportés lors de regroupement de populations de réfugiés et, récemment, chez des SDF.
Rarement, elle peut provoquer des infections des valves du cœur (« endocardites »), ainsi que des complications à type « d’angiomatose bacillaire » et de « péliose » hépatique (= dilatation des veines à l’intérieur du foie) chez des malades immunodéprimés.
• La maladie de Carrion qui sévit essentiellement au Pérou dans la Cordillère des Andes, entre 1000 et 2500 mètres d’altitude, est provoquée par Bartonella bacilliformis. Le vecteur est un insecte piqueur (Lutzomyia verrucarum).
La forme aiguë de la maladie, ou fièvre de Oroya, est une anémie hémolytique fébrile aiguë où près de 80 % des hématies sont parasitées, puis se « lysent » (s’autodétruisent en libérant l’hémoglobine). La mort survient au décours de cet épisode ou à la suite de complications infectieuses (salmonellose, tuberculose). Les survivants peuvent faire une forme chronique (« Verruga peruana » ou verrue péruvienne) qui se caractérise par la survenue de lésions cutanées « d’angiomateuse bacillaire », caractérisée par une prolifération de petits vaisseaux sous la peau, mais également dans d’autres organes.Cette dernière pathologie est connue depuis l’ère précolombienne.
Elle est rarement importée par les voyageurs en provenance des ces pays.
• Des douleurs persistantes diffuses et polymorphes après morsure de tique pourraient s’avérer liées à la présence d’autres bactéries que les Borellia, elles-aussi transmises par des tiques, éventuellement chez ces patients souvent multi-piqués. Des cas de probables de co-infections entre Borellia burgdorferi et Bartonella ont été régulièrement rapportés. Ces co-infections sont dues, soit à la morsure d’une même tique lorsque celle-ci est infectée par plusieurs bactéries, soit à des morsures multiples de plusieurs tiques lorsque chacune est infectée par des bactéries différentes.
En cas de douleurs chroniques post-Lyme, il n’est donc pas possible d’exclure, qu’à côté de quelques cas authentiques de borréliose de Lyme ayant échappé au traitement, puissent être mis en cause d’autres bactéries transmises par les tiques : des études récentes ont permis de confirmer le rôle pathogène des Bartonella chez des patients mordus par des tiques, dont de nouvelles espèces de Bartonella, pour la plupart parasites des rongeurs.
Comment faire le diagnostic de bartonellose ?
• Le diagnostic direct par isolement est très difficile, car les Bartonella poussent lentement, en particulier en primo-culture (3 à 4 semaines).
• La sérologie par immunofluorescence indirecte est un bon outil de dépistage, en particulier pour la maladie des griffes du chat et les endocardites.
• L’utilisation des techniques de Biologie moléculaire (PCR puis séquençage génétique) permettent de faire le diagnostic rapidement à partir de tissus (ganglion, peau, valve…). Elles permettent également de faire le diagnostic d’espèce.
• La biopsie ganglionnaire dans les cas sévères permet, outre la recherche de la bactérie ou de son ADN, de faire une analyse anatomopathologique de ce ganglion pour éliminer une autre maladie (lymphome).
Avec quoi peut-on confondre une bartonellose ?
L’actualité sur cette maladie a été la découverte d’une co-infection possible avec la malade de Lyme et son éventuelle implication dans les syndromes douloureux post-Lyme.
Un gros ganglion peut faire évoquer un lymphome Hodgkinien ou non-Hodgkinien.
Une fièvre avec anémie hémolytique au retour d’un pays comme le Pérou peut faire évoquer une autre fièvre hémorragique comme la Fièvre Jaune.
Quel est le traitement ?
Bien que sensible in vitro aux antibiotiques type pénicilline (« ß-lactamines »), ceux-ci ne peuvent pas être utilisés pour traiter les bartonelloses en raison de leur mauvaise pénétration intracellulaire, à l’exception de la ceftriaxone.
Il n’y a pas actuellement de consensus sur la thérapeutique des infections à Bartonella henselae et quintana.
• Maladie des griffes du Chat : Le traitement a peu d’influence sur l’évolution du gros ganglions (« adénopathie ») sauf si celui-ci est mis en route très précocement.
Les macrolides et les fluoroquinolones, qui pénètrent bien dans les cellules, sont les traitements usuels et seront prescrits pour deux semaines.
La ponction d’un très gros ganglion, voire sa « mise à plat » chirurgicale, sont parfois nécessaires.
Le pronostic est bon chez les patients immunocompétents, avec une résolution spontanée dans 90 % des cas, une antibiothérapie n’étant nécessaire qu’en cas d’immunodépression, ainsi que dans les formes neurologiques et cardiaques.
• Angiomatose bacillaire : Macrolides, tétracyclines, fluoroquinolones et rifampicine sont efficaces.
Le traitement doit être au moins d’un mois.
Des rechutes nécessitent parfois la reprise du traitement.
• Endocardite : Le traitement proposé repose sur la prescription d’une association de ceftriaxone et de gentamicine pendant deux semaines, suivi d’un relais par tétracycline pendant un mois.
• Il n’y a aucun consensus non plus pour le traitement des douleurs persistantes diffuses et polymorphes après morsure de tique, en l’absence d’étude bactériologique et épidémiologique sérieuse.
Il est simplement possible de remarquer que certains cas ont été soulagés après traitement par ceftriaxone, antibiotique de la classe des ß-lactamines, mais qui est efficace, tant sur les Borellia extracellulaires, qu’ en intracellulaire sur les Bartonella.