La qualité des hôpitaux français est-elle en train de s’effondrer ?
La qualité des hôpitaux français est-elle en train de s’effondrer ? Évidence pour tous, l’hôpital s’écroule depuis qu’on a voulu le gérer comme une entreprise, que la rentabilité est devenue l’objectif premier, le patient un client, les soins des moyens de vendre médicaments et dispositifs innovants à des prix prohibitifs, que l’idée de guérir des malades n’est plus la priorité.
« Au fait, c’est quoi un patient ? » Les jeunes directeurs alignent des chiffres et vous font des remontrances parce qu’on a « trop transfusé ! » plus que l’enveloppe prévue. L’hôpital est devenu une machine à sous. Nos hôpitaux sont remplis de personnels de qualité voire exceptionnels parfois, mais les liens sont cassés. Des ilots de vraie médecine ont pu se préserver, où tout le monde peine pour travailler à l’ancienne et résister aux pressions administratives. Mais au prix de quelle usure pour les soignants et combien de temps tiendront-ils ?
Dans les années 90 le système de santé français était classé au premier rang mondial par l’OMS. Il faisait des envieux désireux de l’exporter aux USA et en Amérique du sud. Dans la logique libérale, il était urgent de le casser pour qu’il ne serve plus d’exemple. La réforme de 1991 commença son travail de sape. La loi instaura une double hiérarchie hospitalière afin que les paramédicaux ne dépendent plus de l’autorité médicale. Diviser pour régner, classique toujours efficace. Manipulation politique imparable.
Faire échapper les soignants, infirmiers, aide soignants et toutes corporations sauf les médecins au pouvoir du Mandarin ne choqua personne. La voix des opposants fut étouffée. La pensée unique régnait déjà. On promit aux infirmières monts et merveilles en reconnaissance, salaire, pouvoir quasi médical. C’était l’époque du « diagnostic infirmier » qui allait les transformer en officiers de santé (bientôt frustrés de ne pas avoir les mêmes droits sur les patients). Combien de belles vocations gâchées par cette manipulation des consciences.
Les élèves infirmières devinrent étudiantes au prix d’un allongement de la durée des études de plus en plus théoriques et éloignées du contact avec les patients qui leur donnait leurs lettres de noblesse. On les hyperspécialisa. C’est ainsi qu’on créa une surspécialité les IBODE, infirmiers de bloc opératoire au prix de 18 mois d’école supplémentaire, leur demandant d’acquérir des connaissances en techniques de stérilisation, procédures juridiques et quelques notions chirurgicales. Ils tomberont de haut au contact des réalités du bloc. Les plaintes actuelles de cette corporation en témoignent. Certes elles connaissent tout des procédures « de qualité », formatés aux référentiels multiples à appliquer pour obtenir les accréditations et satisfaire aux audits. Mais ils sont bien mal préparés aux aides opératoires. Dans leur cursus on différencie 14 spécialités chirurgicales censées être acquises en 14 semaines ! Or un minimum de 3 mois est nécessaire à un étudiant en médecine (qui a déjà 5 ans d’études dont beaucoup d’anatomie) pour être « utile » comme aide opératoire pour une spécialité chirurgicale précise. Les chirurgiens préfèrent se faire aider par des étudiants ou médecins (éventuellement étrangers), qu’ils forment à leur exercice particulier.[1] Drame induit par le « syndrome de l’école » qui forment des professionnels inadaptés au terrain (idem pour les cadres infirmiers ou les jeunes directeurs d’hôpitaux) sans expérience antérieure longue des exigences hospitalières.