Les mécanismes moléculaires qui contribuent à l’échappement des Borrelia.
Traduction Chantal BAUMERT
Article dédié aux immunologistes.
Complement evasion by Borrelia burgdorferi: it takes three to tango. *
Steven W. de Taeye1,2 , Lieselotte Kreuk1 , Alje P. van Dam3 , Joppe W. Hovius1,4 , and Tim J. Schuijt1,4 1Center for Experimental and Molecular Medicine, University of Amsterdam, Meibergdreef 9, 1105 AZ, Amsterdam, The Netherlands 2 Experimental Virology, Academic Medical Center, University of Amsterdam, Amsterdam, 1105 AZ, The Netherlands 3 Department of Medical Microbiology, Onze Lieve Vrouwe Gasthuis, Amsterdam, 1091 AC, The Netherlands 4Section of Infectious Diseases, Department of Internal Medicine, Yale University School of Medicine, New Haven, CT 06420, USA
Résumé : Tout se joue au départ !
Le système de complément est l’un des principaux mécanismes de défense innés que Borrelia burgdorfer sensu lato doit surmonter dès son entrée dans l’organisme pour provoquer une infection chez les mammifères-hôtes et la borréliose de Lyme chez les humains.
NDLR : le système du complément est un système de défense naturel, inné, qui permet à l’organisme de se défendre contre des agents pathogènes bien avant que les anticorps de la réponse immunitaire humorale spécifique n’apparaissent.
C’est un système d’activation en cascade.Il permet le « marquage » des intrus pour que ceux-ci soient repérables par les cellules phagocytaires, cellules qui « apprêteront » ces antigènes pour les présenter aux lymphocytes , acteurs de la réponse immunitaire.
On comprend mieux pourquoi certaines personnes ne fabriquent pas d’anticorps et pourquoi leurs tests sérologiques restent négatifs !
Borrelia prévient sa propre destruction par le complément pendant la colonisation de l’hôte par
1- le recrutement de l’effectif d’accueil des régulateurs de Borrelia,
2- les mécanismes d’échappement de Borrelia
3- l’exploitation des protéines des tiques par Borrelia.
Ces interactions avec le complément peuvent être spécifiques aux espèces infectées. Cet examen donne un aperçu des interactions entre Borrelia, tique et hôte d’accueil aboutissant à l’échappement de la destruction par le complément.
Extrait :
Les Borrelia ont développé plusieurs stratégies pour éviter l’activation de complément :
– en agissant sur des protéines du mammifère – hôte (A),
– en se protégeant (B) directement de la destruction par le complément
– et en utilisant (C) des régulateurs/inhibiteurs de complément de la tique.
(A) résistant au Sérum
Borrelia isole les régulateurs de complément de l’hôte qui font partie du facteur H comme le facteur de H (CFH), le facteur H-like 1 (CFHL) et le facteur H-related (CFHR) grâce aux protéines qu’elle exprime comme Erps et Csps sur sa membrane extérieure.
Ces Erps et Csps sont collectivement appelées les protéines de surface d’acquisition de régulateur de complément (CRASPs) et, jusqu’à présent, cinq CRASPS ont été identifiées. CFH se lie à tous les cinq CRASPS, tandis que CHFL lie seulement à CRASP-1 et-2 et les protéines CFHR lient seulement CRASP-3, -4 et -5. Ces interactions sont légèrement différentes d’une borrélie à l’autre. En plus du recrutement de protéines familiales H, Borrelia a aussi son aptitude à lier le C4 de l’hôte.
(B) Borrelia exprime la protéine CD59 qui inhibe la formation du complexe d’attaque membranaire (le CAM),. Études par Kochi.
D’autres ont montré que le changement de la surface cellulaire borreliale au moyen d’anti-Borrelia IgG ou des fragments IgG a permis la formation de CAM efficace, suggérant que la composition de la membrane des Borrelia inhibe stériquement la formation de CAM lytique (panneau droit).
(C) Borrelia co-opte la protéine salivaire TSLPI (Tick salivary lectin Pathway Inhibitor) pour esquiver le dégagement médié par la voie des lectines de l’activation du complément
(CI)
Les protéines salivaires anti-Complement (IxAC) de la famille Ixodes , y compris la protéine salivaire (Salp)20 lient et neutralisent la properdine de l’hôte, un régulateur positif de la voie alterne du complément. La neutralisation de la properdine a été démontrée : elle inhibe la destruction de Borrelia via le complément par dégradation précoce du C3bBb instable (panneau intermédiaire).
La protéine de surface C (OspC) protège Borrelia contre la formation du CAM et donc la lyse des spirochètes (panneau droit)
Les Borrelia diffèrent dans leur capacité à survivre en présence de complément humain et sont classées comme résistantes ou sensibles.
Exemples : B. garinii sérotypes 5 et 6 sont classées comme sensibles au sérum, B. burgdorferi s.s.modérément résistante, et B. afzelii, B. spielmanii, et B. garinii sérotype 4 (également connue sous le nom de B. bavariensis) comme résistantes au sérum.
Conclusion :
Au cours de la dernière décennie, notre compréhension du rôle du complément pendant le cycle de vie de Borrelia-mammifères-tiques a progressé. Cependant, plusieurs questions demeurent sans réponse. Pendant la transmission de Borrelia le système du complément de l’hôte est déclenché dans une tentative d’éradication de Borrelia par la lyse via le complément, la phagocytose et le recrutement de cellules immunitaires.
La voie classique et celle des lectines sont importantes pour initier l’activation du complément, la voie alterne permet son amplification. Les études qui ont été menées montrent l’évitement de la lyse par le complément par le recrutement et le mimétisme des régulateurs d’accueil, l’effet protecteur de la composition de la membrane et l’utilisation directe ou indirecte de protéines salivaires de la tique.
Néanmoins, il faut considérer que les différentes variétés de Borrelia utilisent différentes approches pour permettre « l’évasion ».
Ces nouvelles idées sur les mécanismes utilisés par Borrelia pour échapper à l’attaque du complément pourraient aider à mettre au point de nouveaux vaccins.
Développer un vaccin efficace pour prévenir la borréliose de Lyme est difficile, surtout que Borrelia exploite des protéines de la tique pour infecter avec succès l’hôte mammifère. Comme nous l’avons déjà postulé, les stratégies pour mettre au point un vaccin efficace doivent cibler les protéines des tiques et les protéines extérieures membranaires de Borrelia.
En effet, l’immunisation tant avec Salp15 qu’ avec OspA induit une réaction immunitaire anti-Borrelia .
En considérant les stratégies d’évasion de complément d’autre pathogènes, il est plausible que, en plus des stratégies déjà mentionnées, l’espèce Borrelia a développé des mécanismes supplémentaires pour faire face à l’activation de complément en liant d’autres régulateurs de complément (vitronectin, c1-INH) pour son propre avantage.
La recherche future devrait se concentrer sur les interactions moléculaires de Borrelia avec les protéines régulatrices de l’hôte ainsi que celles de la tique et devrait démontrer la contribution des régulateurs individuels du complément pour expliquer la résistance des Borrelia.
De plus, l’adaptation spécifique aux espèces de Borrelia est une plate forme intéressante pour déterminer quelle stratégie d’évasion anti- complément est la plus importante pour l’infection borrélienne.
Une meilleure compréhension du rôle des différentes voies du complément impliquées dans l’éradication de Borrelia et de l’inhibition par les tiques pourrait nous aider à développer des stratégies de prévention efficaces comme les vaccins anti-tiques et étendre nos connaissances sur la pathogenèse de la borréliose de Lyme et la compétence des réservoirs.
* Habituellement, on dit qu’il faut être deux pour danser un tango mais la complexité est telle qu’il faut être trois.
Source :
http://www.clublyme.com/web/fiches/file/20181216_155110.pdf
Trends in Parasitology March 2013, Vol. 29, No. 3