« On a construit une maladie » De quoi faire hurler les malades !
Infectiologue au centre national de référence sur la maladie de Lyme à Strasbourg, le Pr Yves Hansmann est l’auteur d’un livre sur cette pathologie, à paraître ces jours-ci. Il ne croit pas à sa forme chronique et explique son refus de ratifier le nouveau protocole de soins.
L’ALSACE par Textes : Geneviève DAUNE , actualisé le 02/10/2018 à 22:37
Responsable du service des maladies infectieuses et tropicales au CHRU de Strasbourg, le Pr Yves Hansmann est l’auteur du livre « La maladie de Lyme, au-delà de la polémique » , à paraître le 11 octobre prochain.
L’infectiologue strasbourgeois ne croit pas au syndrome persistant polymorphe (SPPT), ou syndrome chronique, après une piqûre de tique, tel qu’il est pris en compte dans les dernières recommandations de la Haute autorité de santé. Ce syndrome, avec ou sans antécédent d’érythème migrant, décrit un ensemble de signes cliniques associant, plusieurs fois par semaine depuis plus de six mois, des douleurs musculo-squelettiques et/ou neuropathiques et/ou des maux de tête, une fatigue persistante avec réduction des capacités physiques, des troubles de la concentration, de l’attention, de la mémoire et une lenteur dans la formulation des idées.
Des symptômes, plusieurs années après
« Avec mes collègues infectiologues, nous remettons en cause cette notion de syndrome chronique, reprend le Pr Hansmann. Car il paraît difficile d’attribuer, plusieurs années après, des symptômes à une piqûre de tique. D’autres agents transmis donnent des infections aiguës. Je pense qu’on a construit une maladie. C’est pour cela que le PNDS [protocole national de diagnostic et de soins, NDLR] n’a pas fait l’objet d’une validation des infectiologues. » Il insiste : « Si on reconnaît la forme chronique, cela va ouvrir la voie vers le traitement antibiotique prolongé. »
Pour lui, la polémique actuelle sur la maladie de Lyme, et plus largement sur les infections transmises par les tiques, comme la borréliose, n’a fait qu’effrayer les gens. « Certaines personnes présentent des symptômes invalidants et il n’est pas question de remettre en cause ces symptômes. Mais quelles preuves a-t-on que la tique a transmis les agents responsables de ces symptômes ? »
Il estime aussi qu’aucune étude scientifique rigoureuse n’a montré l’efficacité d’un traitement antibiotique de trois mois plutôt qu’un traitement de trois semaines. « On voit des pratiques de plus en plus bizarres. Il faut essayer de cadrer les choses. Utiliser des antibiotiques sur plusieurs mois, je n’y crois pas du tout, tant qu’on ne l’aura pas prouvé par des études randomisées et méthodologiques. »
« Pas d’arguments scientifiques »
« Les bactéries borrelia sont très difficiles à doser, reconnaît-il. Du coup, on a beaucoup de mal à savoir pendant combien de temps elles vont persister dans l’organisme. Dans l’arthrite, la borrelia met beaucoup de temps à disparaître, même après un traitement antibiotique. Mais plus on laisse passer du temps sans antibiotique, plus la plupart des patients arrivent à s’en débarrasser. Je n’ai pas d’exemple de personnes ayant gardé la bactérie après un traitement antibiotique. »
Le Pr Hansmann ne nie cependant pas l’existence possible de Borrelia dans des endroits relativement inaccessibles comme le système nerveux. « Certaines personnes ont une maladie de Lyme “difficile”. Ils vont avoir des neuropathies et garder des séquelles importantes qui peuvent devenir handicapantes. »
À une certaine médecine qui fait encore la part belle à un certain empirisme, basé sur une observation clinique soigneuse et attentive, il oppose une médecine basée sur la technologie. « La médecine où on observe, c’est du passé. Aujourd’hui, la médecine est plus scientifique, même si elle ne répond pas à tout. » Pour lui, les associations de patients et les médecins qui défendent l’idée d’une forme chronique de la maladie de Lyme « n’ont pas d’arguments scientifiques. Ils déforment la réalité. Que peut-on tirer d’une histoire individuelle ? Rien ! Ainsi, le fait de dire qu’on peut mourir d’une maladie de Lyme, c’est attribuer une dangerosité à cette maladie que l’on ne connaît pas. » En revanche, il estime qu’il faut prendre au sérieux des patients en dépression face au déni de leurs douleurs. « Dire que c’est dans leur tête, est une bêtise. Les gens souffrent et il ne faut pas le nier. »
(*) La maladie de Lyme, au-delà de la polémique , par le Pr Yves Hansmann. Ed Solaris.